Marc Thiébaud
Psychologue, spécialiste de l’accompagnement et de l’animation de groupe, Suisse
thiebaud[arobase]formaction.ch
Résumé
Le codéveloppement professionnel et l’analyse de pratique professionnelle en groupe sont deux approches voisines ou cousines. L’une et l’autre se déploient selon une démarche d’accompagnement qui mobilise les ressources collectives. Si elles se distinguent par certains objectifs spécifiques et des modalités de travail qui peuvent varier, la plupart de leurs finalités générales et de leurs principes sont similaires. Ce texte a pour objectifs a) de présenter une expérimentation mise en œuvre en 2019 pour les mettre en perspective et b) de partager quelques reflets du dialogue développé par ses initiateurs et entre quelques praticiens des deux approches au cours des 25 dernières années.
Mots-clés
codéveloppement professionnel, dialogue, apprentissages, expérimentation, contexte
Catégorie d’article
Texte de réflexion sur les pratiques
Référencement
Thiébaud, M. (2020). Dialoguer entre praticiens des groupes de codéveloppement et d’analyse de pratiques professionnelles. In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, No 18, pp. 5-23 et Le Codéveloppeur, vol 6, no 3. http://www.analysedepratique.org/?p=3875 et https://www.aqcp.org/wp-content/uploads/1-marc-thiebaud-revue-app-21juin2020.pdf.
Article en PDF Commentaires
Dialoguing among practitioners in codevelopment and professional practices analysis groups
Abstract
Professional codevelopment group and professional practice analysis are two related or cousin approaches. Both are deployed according to a coaching approach that mobilizes collective resources. While they differ in some specific objectives and working modalities that may vary, most of their general aims and principles are similar. The purpose of this text is a) to present an experiment implemented in 2019 to put them into perspective and b) to share some reflections of the dialogue developed by its initiators and between some practitioners of the two approaches over the last 25 years.
Keywords
professional codevelopment, dialogue, learning, experimentation
Ce texte comprend deux parties principales, qui seront traitées successivement :
- la présentation de l’expérimentation pratique conduite pour explorer conjointement les approches des groupes de codéveloppement professionnel et d’analyse de pratiques ;
- des reflets du dialogue développé entre quelques praticiens des deux approches (en lien avec l’expérimentation menée et durant les 25 dernières années).
En annexe est proposé un tableau résumant les différentes étapes suivies, d’une part pour l’analyse de pratiques professionnelles (APP) et d’autre part pour le groupe de codéveloppement professionnel (GCP).
1. L’expérimentation pratique
Les lignes qui suivent ont pour but principal de décrire le contexte, les objectifs et le déroulement de la démarche mise en œuvre. Elles servent également d’introduction aux textes auxquels elle a donné lieu, publiés simultanément dans ce numéro thématique conjoint de la Revue de l’analyse de pratiques professionnelles de de la revue Le Codéveloppeur (voir Thiébaud, Vacher, Champagne & Desjardins, 2020). C’est dans ces textes que les lecteurs intéressés pourront prendre connaissance en détail des résultats produits et de leur analyse.
1.1. Contexte : deux approches qui se développent parallèlement
Le GCP et l’APP présentent à la fois des caractéristiques similaires et des spécificités propres (voir Vacher & Thiébaud, 2020). Ils se sont développés parallèlement, sans se croiser pour ainsi dire, ni se nourrir vraiment mutuellement. Il pourrait être intéressant que des recherches en étudient les raisons. Je constate que c’est le même cas avec d’autres pratiques telles que la supervision en groupe et l’APP : elles « se côtoient mais il est rare qu’elles se parlent » (Thiébaud, 2020).
Pourtant, certains praticiens apprécient de pouvoir animer des séances de GCP et d’APP. Un intérêt est parfois manifesté pour échanger à leur propos. Avec Michel Desjardins[1], nous souhaitions développer ce dialogue (Desjardins, 2020). Si nous avions déjà eu plusieurs occasions de partage (voir plus bas la partie 2.2), notre désir était d’aller plus loin. Lors d’une rencontre à Montréal en octobre 2018, nous avons décidé avec enthousiasme de concrétiser ce projet, en imaginant plusieurs formes de collaboration, au premier rang desquelles figure une expérimentation pratique des deux approches.
Les groupes de codéveloppement professionnel ont été élaborés dans les années 90 au Québec selon une méthodologie assez précise qui fait toujours référence (voir Payette & Champagne, 1997). Ils visent des apprentissages professionnels et le développement de la pratique à partir d’un échange en groupe centré sur des situations et des vécus présentés par les participants, dans une logique d’enquête et d’entraide. Claude Champagne (2020) en décrit les fondements, les principes et le déroulement en détail.
L’analyse de pratiques professionnelles a pris forme dès les années 70, plus particulièrement en France, à partir de différentes origines : groupes Balint, qui en constituent les prémices, groupes de « Soutien au soutien » (Levine & Moll, 2000) et d’analyse de pratiques d’inspiration psychanalytique (Blanchard-Laville & Fablet, 2000), groupes d’approfondissement professionnel (de Peretti, 1996). L’APP représente aujourd’hui un champ largement hétérogène. Ses objectifs sont variés : développement d’une pratique réflexive, prise de recul par rapport aux motifs et logiques de ses actions, construction d’un savoir analyser, etc. Ils peuvent servir différentes finalités (professionnalisation, évolution de la pratique professionnelle, amélioration du bien-être au travail, etc.).
1.2. Objectifs : expérimenter et dialoguer
En nous engageant dans cette expérimentation pratique, avec Michel, nous nous sommes inscrits d’emblée dans une approche expérientielle, que nous privilégions par ailleurs dans nos formations et accompagnement. Notre premier but consistait à explorer les formes de groupes développées de chaque côté de l’Atlantique. Nous avions également pour objectif de les mettre en perspective à partir de l’expérience vécue, dans une démarche inductive susceptible de nous permettre de dégager des éléments clés en termes de similitudes et de différences. Notre ambition était aussi d’en partager les fruits dans des textes. Pour le reste, nous nous en remettions à l’émergence, laissant la porte ouverte aux développements qui pourraient éventuellement s’ensuivre. L’essentiel était d’initier et de nourrir un dialogue entre praticiens. J’y reviendrai ultérieurement.
1.3. Déroulement : un processus d’apprentissage expérientiel en plusieurs étapes
Suite à la décision prise, nous avons, Michel et moi, assez rapidement cherché à structurer une démarche concertée avec deux collègues, Claude Champagne[2] et Yann Vacher[3]. C’est avec eux que nous avons ainsi organisé l’expérimentation qui s’est déroulée en quatre étapes principales :
a) conception et planification,
b) concrétisation par l’expérience,
c) observations et discussion (retour sur l’expérience),
d) mise en perspective et modélisation d’éléments clés,
Ces étapes ont été suivies d’un temps d’exploitation, avec :
e) la production d’écrits et de nouvelles collaborations.
Voici quelques précisions en lien avec chacune de ces étapes.
a) Conception et planification
En décembre 2018 et janvier 2019, nous avons, à quatre, précisé notre projet. Un fort intérêt était partagé pour donner la priorité à l’expérience. Nous avons fait le pari de commencer immédiatement par vivre une séance de GCP puis une séance d’APP, dans un groupe constitué de huit personnes (quatre en provenance du Québec, connaissant bien le GCP et quatre d’Europe, connaissant bien l’APP). Autrement dit, chaque séance allait permettre à une partie des membres du groupe la découverte par l’expérience d’une approche encore inconnue. Pour les personnes intéressées à en connaître l’essentiel préalablement, nous avons convenu de se transmettre seulement un court texte. Une date a par ailleurs été planifiée juste après pour échanger sur ces expériences.
b) Concrétisation par l’expérience du GCP et de l’APP
Toutes les séances ont eu lieu par visioconférence sur une durée de 2h30 à 3 heures. À chaque fois, l’animateur a brièvement expliqué la démarche qu’il proposait. La première rencontre a débuté avec un temps de présentation personnelle afin que le groupe puisse se constituer a minima. Celle-ci a donné lieu à une séance de GCP. Elle a été animée par Claude Champagne selon l’approche conçue par ses initiateurs (Payette & Champagne, 1997 ; Champagne, 2020). Le choix de l’exposant/client a été déterminé préalablement parmi les personnes participantes du Québec familières avec le codéveloppement.
J’ai animé lors de la deuxième séance l’APP selon une perspective qui met l’accent sur les aspects d’accompagnement, d’intelligence collective et de réflexivité (Thiébaud, 2013 ; 2018a ; Thiébaud & Vacher, 2018 ; 2020). Le choix de l’exposant/client s’est fait au début de la rencontre parmi les participants européens qui connaissaient déjà l’APP. Un bref retour sur les vécus de la première séance a eu lieu, qui a permis notamment à la personne exposante/cliente de partager l’évolution de ses réflexions et de sa pratique durant l’inter séance.
Dans les deux rencontres, tous les participants ont relevé la richesse des apprentissages développés en lien avec les pratiques professionnelles de chacun. En d’autres termes, ils ont pu sans difficulté majeure vivre pleinement le GCP et l’APP tout en restant conscients que l’objectif premier, qui donnait la raison d’être de ce groupe éphémère, résidait dans l’expérimentation menée.
c) Observations et discussion (retour sur l’expérience)
En avril 2019, la troisième séance planifiée fut consacrée à un bref retour de l’exposant (comme cela avait été réalisé pour la cliente de la première séance) et à un échange sur les vécus des deux premières. Elle fut l’occasion notamment de clarifier pour les uns et les autres à la fois les spécificités de chaque approche et la manière dont, sur le moment, se sont opérés les différents choix d’animation ainsi que les régulations et ajustements du déroulement développés au sein du groupe.
d) Mise en perspective et modélisation d’éléments clés
Cette séance fut suivie de nombreux autres échanges entre les quatre personnes en charge de la démarche, menés tant par visioconférence que par courriel. Ils ont permis d’approfondir le dialogue, la recherche de compréhension réciproque et la mise en perspective de nombreux éléments de similitudes et de différences entre les deux approches.
e) Production d’écrits
Le matériel de réflexion issu des étapes précédentes a été considéré comme suffisamment riche pour permettre l’organisation du travail d’écriture, qui s’est concrétisé entre l’été 2019 et le printemps 2020. L’ensemble des productions a fait l’objet de plusieurs lectures et échanges partagés entre les quatre auteurs principaux.
Cette démarche peut être mise en parallèle avec le cycle d’apprentissage expérientiel de Kolb (1984). Nous sommes en effet successivement passé de la planification à l’expérience, puis à la réflexion sur celle-ci avant de procéder à la modélisation de la mise en perspective (voir figure 1 ci-après). En détaillant les choses, nous pouvons considérer que nous sommes aussi, chacun de nous, passé par des microcycles d’apprentissage expérientiel. Ainsi, à chaque séance vécue, nous avons fait l’expérience d’une approche, puis y avons réfléchi et nous avons pu enrichir nos conceptions et mettre en application certains éléments qui en sont ressortis.
Figure 1 : le cycle d’apprentissage expérientiel (adapté de Kolb, 1984)
1.4. Résultats : des éléments clés et des possibilités de fécondation mutuelle
La démarche mise en œuvre a permis d’atteindre les objectifs visés, tant en termes d’expérience vécue, de développement du dialogue et d’une mise en perspective que de rédaction d’écrits. Il n’est pas dans le but de ce texte de présenter et de discuter des résultats. Ils figurent dans les articles publiés (voir Thiébaud, Vacher, Champagne & Desjardins, 2020). En reprenant une figure de Vacher & Thiébaud (2020), je mentionnerai ici seulement cinq éléments clés qui sont au cœur de l’analyse effectuée (voir figure 2).
Figure 2 : points saillants de la mise en perspective des deux approches
Pour chacun de ces éléments, plusieurs similitudes et différences ont été mises en évidence. Celles-ci sont également éclairées par les témoignages rédigés (Desjardins, 2020 ; Calendini & Vacher, 2020). Un autre aspect intéressant des résultats de cette expérimentation réside dans l’identification de potentialités de développement de chacune des approches à partir de l’exploration de leurs complémentarités. Il apparaît ainsi que les accents particuliers de chacune d’elles pourraient être, au moins en partie, intégrés. Par exemple, l’accent mis en APP sur l’analyse et l’importance accordée en GCP à l’élaboration d’un projet d’action peuvent s’inscrire dans une boucle de réciprocité dans laquelle l’action nourrit la réflexion et la réflexion nourrit l’action. Les bénéfices comme les risques et les limites qui peuvent découler de telles articulations ont été analysés.
En résumé, même si la durée des trois séances dédiées à l’expérience et aux échanges dans le groupe de huit personnes a été trop courte (nous avons toujours manqué de temps), la richesse des réflexions et des productions qui en sont issues met en évidence tout l’intérêt de la démarche adoptée. Celle-ci présente cependant des particularités qu’il importe de souligner pour en comprendre la nature et la portée.
1.5. Discussion : quelques singularités de la démarche
Dans une APP comme dans un GCP, le travail élaboré par le groupe est en permanence inscrit dans un contexte spécifique, dans la singularité des pratiques, objets de réflexion, et dans l’intersubjectivité des relations interpersonnelles. Il en est de même avec l’expérimentation, le dialogue et la mise en perspective développés. J’aimerais évoquer ici brièvement sept caractéristiques qui ont été à plusieurs reprises relevées dans nos échanges à ce propos.
1. Le groupe constitué pour l’expérimentation
Il s’agit d’un groupe constitué par un choix des quatre personnes en charge de la démarche (chacune d’elles a proposé un participant en fonction de l’intérêt présumé qu’il pourrait avoir pour celle-ci). Seuls les quatre concepteurs avaient eu des échanges préalablement entre eux, les autres participants ne connaissaient qu’une ou deux personnes. Le groupe a rapidement développé une confiance remarquable qui a favorisé la qualité du travail. Tous ses membres étaient unis par le même objectif de découverte et d’expérimentation, même si l’investissement n’était pas semblable entre les quatre concepteurs et les autres.
2. Le caractère éphémère du groupe
Le groupe des huit personnes a été constitué pour une durée de trois rencontres, avec une seule séance de codéveloppement et d’APP prévue. Habituellement, ces approches se pratiquent sur une plus longue durée, ce qui permet un approfondissement des appren-tissages. Il aurait été bénéfique pour l’expérimentation de pouvoir analyser plusieurs séances, mais cela n’a pas été possible pour des raisons de disponibilité des personnes.
3. Le travail par visioconférence
Le travail à distance a représenté une difficulté supplémentaire à plusieurs égards. Sauf pour deux personnes, la visioconférence était une expérience nouvelle pour ce type de groupe. Les limites techniques ont été relativement bien maîtrisées, même si cela n’a pas été évident pour tous, notamment en ce qui concerne l’appauvrissement de la communication que cela peut engendrer (voir Knuchel-Bossel, 2020). Claude Champagne avait déjà animé un GCP à distance, mais c’était la première fois en ce qui me concerne pour de l’APP. Les nombreuses régulations effectuées en souplesse et la bienveillance présente au sein du groupe ont grandement facilité le déroulement et ont permis que chaque séance soit très profitable pour tous.
4. Les aspects culturels
Quatre personnes du Québec et quatre d’Europe ont participé aux séances, ce qui a favorisé un équilibre dans les échanges, notamment lorsqu’il s’agissait de s’approprier des modalités de travail inconnues pour certains. Cependant, il est apparu rapidement que chacune des deux approches a été élaborée dans des contextes spécifiques : les milieux de la gestion en ce qui concerne le GCP et l’éducation et la santé en ce qui concerne l’APP. Qui plus est, la plupart des participants eux-mêmes ont développé leurs pratiques professionnelles dans des environnements correspondants, donc très différents entre québécois et européens. Ainsi, la première personne exposante/cliente travaille dans un poste de gestion à la tête d’une entité de grande taille alors que le second exposant/client pratique dans une institution de formation présentant des caractéristiques propres à une culture européenne. Ceci a eu pour conséquence qu’un temps très important pour des questions de clarification a été nécessaire, à tel point qu’il a été difficile de réaliser toutes les étapes prévues dans le GCP comme durant l’APP. À cela s’ajoute certaines différences de langage. Si la compréhension réciproque a été parfois délicate à développer pour les raisons évoquées, nous avons observé combien, dans le groupe, chacun a fait preuve d’ouverture à apprendre, de patience et d’empathie.
5. La perspective adoptée dans l’approche de l’APP
Le déroulement adopté pour le GCP était bien connu de six participants sur les huit. Il correspond en effet précisément à la méthodologie proposée par ses concepteurs. En revanche, en ce qui concerne l’APP, un choix devait être fait entre plusieurs dispositifs possibles. D’entente avec Yann, nous avons proposé une analyse de pratiques qui s’inscrit dans une perspective d’accompagnement, d’intelligence collective et de réflexivité qui nous tient à cœur. Elle a comme caractéristique d’être mise en œuvre de manière souple et d’impliquer les participants dans des moments réflexifs et des régulations de groupe. Son inconvénient, c’est qu’elle nécessite du temps pour pouvoir se déployer réellement. Dans les échanges que nous avons eus ultérieurement avec Michel Desjardins et Claude Champagne, l’hétérogénéité des pratiques d’APP a suscité beaucoup de questions, d’autant que leurs informations et leurs représentations sur l’APP ne correspondaient pas toujours à l’approche adoptée. Il est clair que l’expérience et la mise en perspective développée auraient donné partiellement d’autres résultats avec le choix d’un dispositif différent d’analyse de pratiques.
6. Le double objectif
Pour les participants, et particulièrement pour les quatre concepteurs de la démarche d’expérimentation, chercher à vivre et découvrir une approche, et parallèlement élaborer une réflexion et un dialogue en prise de recul demande une double attention exigeante. Le fait que les séances ont toutes été enregistrées et que des temps conséquents avaient été prévus pour les retours sur l’expérience les échanges a facilité l’expérience. La pratique que nous avons les quatre de l’animation nous a aussi bien aidé dans cet exercice.
7. Le caractère empirique et inductif de la démarche adoptée
Il existe divers travaux qui ont cherché à faire une étude comparative de différentes approches, à partir des écrits produits à leur sujet ou de leurs fondements théoriques. Nous avons délibérément opté pour un autre chemin, laissant de côté ces connaissances, jusqu’au moment venu de l’écriture, pour privilégier l’expérience. Tous les participants à la démarche ont apprécié ce choix et le fait que celle-ci, bien que structurée en plusieurs étapes, se construisait chemin faisant. Ceci a grandement favorisé une ouverture d’esprit et la recherche d’un dialogue qui se sont avérés très apprenants. J’y reviendrai ci-dessous.
Ces six caractéristiques ont toutes donné une couleur particulière aux élaborations vécues en GCP et en APP. Cela a également impacté la mise en perspective qui en a été dégagée, même si durant les échanges, nos réflexions ont aussi porté sur ces particularités afin d’en tenir compte et de les mettre en relation.
Par ailleurs, notre démarche, avec la manière dont elle a été réalisée, doit elle-même être mise en lien, de façon plus large, avec deux aspects importants : 1) l’esprit du dialogue qui l’a habitée et 2) le fait qu’elle s’inscrit dans une collaboration de longue durée. Je les évoquerai maintenant dans la seconde partie de ce texte.
2. Dialogue entre praticiens
Dans cette partie, je présenterai quelques éléments de mon vécu plus personnel, relatifs à la manière dont les échanges que nous avons eus ont pris la forme d’un dialogue apprenant. Je me référerai ici tout d’abord à la démarche que je viens de décrire. Puis j’évoquerai brièvement des collaborations que nous avons eues ces 25 dernières années avec des collègues québécois autour de nos pratiques de GCP et d’APP.
2.1. Esprit et pratique du dialogue
Tout au long de cette expérimentation, ce qui m’a particulièrement frappé, c’est la manière avec laquelle nous avons cherché à aller à la rencontre les uns des autres, dans un esprit de curiosité et une recherche de compréhension de ce que nous pouvons apprendre et nous apporter mutuellement. J’ai ressenti une ouverture à explorer et à apprendre, quelles que soient les difficultés sur lesquelles nous pouvions buter, voire les inconforts que cela pouvait susciter. Je l’ai vécue dans le cours d’une séance où, par exemple, nous nous efforcions, avec patience, de comprendre les particularités culturelles de l’environnement professionnel de la personne exposante/cliente. Je l’ai retrouvée durant nos échanges visant à expliciter nos approches, qui nous conduisaient à déconstruire ou élargir ensemble certaines de nos représentations. Très souvent, cela a débouché sur de nouvelles questions, qui ont produit des prises de conscience. Cela a pris différentes formes : un « détour » par le partage de métaphores, l’expression authentique d’un étonnement, une méta-communication.
Parfois, pour moi, ces moments sont venus en résonance avec des vécus antérieurs dans des APP que j’ai animées. Le fait de les vivre dans une séance de GCP est venu amplifier ma compréhension. Par exemple je perçois mieux l’importance que j’accorde à développer l’analyse de pratiques dans le tissage des vécus affectifs, relationnels partagés dans le groupe. L’expression des ressentis construit la confiance entre nous tout en ouvrant ou révélant de nouvelles portes à notre perception.
Parfois, ces moments sont venus m’interpeller par rapport à certaines de mes représentations bien ancrées. Ainsi, au fil des échanges, j’ai réfléchi à la manière avec laquelle j’investis fortement, durant les APP, la recherche de compréhension, et cela préalablement à toute réflexion sur les actions qui peuvent être évoquées et explorées par les participants. Dans cette optique, j’ai tendance à penser que la prise de conscience doit précéder l’élaboration d’actions pour que celles-ci se renouvellent. Cette approche peut favoriser des apprentissages de second ordre, par le recul sur ses cadres de référence (Bateson, 1995). Elle comporte aussi ses limites : souvent, nos perceptions, nos émotions, nos représentations, nos analyses, nos motivations à agir et nos actions sont entremêlées. Elles forment système. En GCP, la formulation de projets d’action est encouragée et accueillie. Leur expression devient potentiellement aussi une porte d’entrée à des prises de conscience. Pour mes animations, même si je continue à privilégier le travail en réflexivité, je réalise qu’il y a matière à exploration : je veux ouvrir les possibilités d’élaboration aussi en lien avec les aspects de motivation et d’actions en APP
L’attention, l’ouverture aux autres est un élément central dans ce que nous avons expérimenté durant ces séances. Cette attention intègre bienveillance et invitation à se questionner ou à remettre en question ses idées, sans débat ou argumentation qui chercherait à privilégier un point de vue plutôt qu’un autre. Une attention qui élargit les perspectives. C’est pour moi l’esprit du dialogue. Il est au cœur de l’analyse de pratiques que je développe comme il l’est dans le GCP. Il a été présent dans notre groupe durant la démarche que nous avons vécue.
J’utilise ici ce terme « dialogue » dans une optique que j’aimerais brièvement préciser. Il Vient du grec : « διά » : « au travers, entre », et « λόγος » : la parole. Il renvoie à l’idée d’un flux qui passe à travers et entre les membres du groupe. Selon Senge (1990), « pour les Grecs, dia-logos signifiait une libre circulation du sens au sein d’un groupe, permettant à ce dernier de découvrir des perceptions ou idées [« insights »] impossibles à atteindre individuellement. » Le dialogue est nourri par l’ouverture à apprendre. Il questionne, il explore, il confronte en cherchant à approfondir la compréhension selon différents points de vue, à mettre en lien les éléments et à élargir la vision. Il se différencie d’une discussion ou d’un débat qui tend à séparer et qui vise à identifier les arguments pour élaborer une position, confirmer une représentation ou faire un choix entre différentes perspectives. Pour des auteurs tels que Bohm (1996) ou Isaacs (1999), le dialogue nécessite de suspendre ses jugements (pour écouter les autres) et de développer une attitude d’enquête ouverte, à la fois envers les autres, envers soi et envers les émergences potentielles dans le collectif.
C’est ce que nous avons privilégié tant dans nos séances à huit personnes que dans nos communications à quatre, en nous écoutant, en cherchant à découvrir, à partir de nos différences, de nouvelles potentialités. Ce dialogue a été un élément clé pour notre démarche et pour les apprentissages qui en ont résulté. Il est aussi le reflet de la manière dont nous mettons en œuvre le GCP et l’APP. Il a ainsi révélé un point commun central de nos pratiques.
2.2. Un dialogue commencé dans les années 1990… encore à développer
En 2018, avec Michel, c’est un soir dans un restaurant de la rue Fleury à Montréal que nous avons décidé de lancer cette expérimentation. Au milieu des années 1990, c’était dans le quartier d’Outremont que j’ai rencontré pour la première fois la pratique du GCP en prenant un petit déjeuner avec Adrien Payette. À cette occasion, nous avions découvert avec étonnement et beaucoup de plaisir comment nos parcours et nos intérêts se croisaient de multiples manières. Entre autres, nous explorions tous deux, depuis plusieurs années, les potentialités d’une approche expérientielle dans nos formations en gestion. Vers la fin des années 80, Adrien expérimentait à l’ENAP à Montréal des ateliers sur une durée globale de 45 heures qui permettaient à des gestionnaires de réfléchir avec d’autres à leurs pratiques et je développais à l’Université de Neuchâtel en Suisse des « cercles de management » qui avaient le même but et comprenaient 10 séances de 4 heures. Nous nous inspirions tous deux notamment de l’apprentissage expérientiel (Kolb, 1984), de l’action learning (Revans, 1982) et des approches de dynamique des groupes restreints.
Une telle rencontre ne s’oublie pas. En ce qui me concerne, elle a notamment amplifié ma curiosité et mon engagement pour diverses formes d’accompagnement et d’apprentissage en groupe. Nos différences ont aussi été sources d’apprentissages (elles se manifestent entre autres par le fait que je viens du monde de la psychologie et de la systémique, Adrien du monde de l’administration publique). Nos chemins se sont en partie éloignés. Je suis en effet retourné en Suisse au terme de l’année que j’ai passée à Montréal et j’ai orienté mes activités davantage dans le milieu de l’éducation. Stimulé par les découvertes faites au Québec, j’ai dès lors mis en œuvre de nombreux développements dans l’apprentissage en groupe, notamment pour les directions d’établissements scolaires.
Nous avons eu d’autres rencontres et occasions d’échanges. En 2001, un numéro de la revue Interactions est paru, édité sous la direction d’Adrien Payette (2001), qui rend compte d’une grande variété d’expériences en codéveloppement et autres formes d’apprentissage-action. Cette publication a nourri ma réflexion, notamment sur les multiples possibilités et bénéfices de ces démarches. Dans ma contribution à ce numéro, j’ai présenté les développements que j’ai menés en Suisse au niveau de la formation des animateurs de groupes d’action-formation et j’ai évoqué des éléments de comparaison entre le GCP et l’approche que je privilégiais. Notamment : « La différence la plus significative me semble résider cependant dans le déroulement de l’analyse. » (Thiébaud, 2001). Cette question reste un sujet d’actualité, d’exploration et de dialogue (voir Vacher & Thiébaud, 2020) !
A la fin des années 90, j’ai rencontré divers praticiens de l’APP. Ma pratique s’est développée de plus en plus dans une perspective de réflexivité. Nous en avons largement parlé lors d’un séminaire au Québec auquel j’ai été invité en 2003 au bord du Saint-Laurent. Adrien, Michel et d’autres animateurs de GCP ont manifesté énormément d’ouverture à mon égard et à l’égard de mes réflexions et expériences, concernant en particulier l’intégration des « arrêts sur image » et des pauses réflexive dans le travail en groupe. De mon côté, ces échanges m’ont de plus en plus stimulé à réfléchir à des aspects qui tiennent particulièrement à cœur aux praticiens du GCP et qui m’ont beaucoup apporté : les effets des groupes que nous animons, le développement de ces groupes dans un contexte organisationnel, les aspects de contractualisation. Par exemple, le fait qu’en GCP, une étape (la troisième) est dédiée spécifiquement au contrat avec la personne exposante/cliente m’a inspiré à marquer, dans ma pratique d’animation, un temps particulier au début de la démarche et à chaque transition d’étape pour élaborer cet aspect de contrat (lequel peut être réactualisé tout au long de la séance selon besoin ; voir Thiébaud & Vacher, 2020).
Je pourrais évoquer de nombreux autres échanges fructueux, nourris de nos spécificités, complémentarités et résonances. L’essentiel pour moi réside dans la qualité du dialogue que j’ai pu vivre à chaque fois et dans l’ouverture à apprendre les uns des autres. Ceci compte énormément et s’inscrit directement dans le développement de l’intelligence collective à laquelle je suis de plus en plus attaché (voir Thiébaud, 2018b).
Dans le futur, de nouvelles riches perspectives de dialogue me semblent pouvoir être concrétisées. La démarche d’expérimentation menée nous y invite en tous les cas. Je pense notamment :
- à d’autres productions conjointes dans la Revue de l’analyse de pratiques professionnelles et la revue Le Codéveloppeur (qui ont chacune publié des articles par le passé de praticiens d’outre-Atlantique ; voir par exemple Lauzon & Desjardins, 2018 ; Guillemette, 2017 ; Thiébaud, 2015) ;
- aux contributions écrites que Claude nous a demandées récemment, à Yann et à moi, pour son ouvrage en cours de rédaction ;
- à la poursuite d’échanges réflexifs et d’expériences en GCP et APP à distance ;
- à la co-organisation de séances d’étude et de réflexion autour de thématiques communes qui pourraient être abordées dans une double perspective (GCP et APP) ;
- à la participation à des séminaires organisés de part et d’autre.
3. Pour conclure : une démarche qui pourrait être remobilisée
L’expérimentation et le dialogue développés ont été extrêmement profitables pour tous les participants. Les résultats obtenus ouvrent des perspectives très intéressantes pour l’enrichissement mutuel de nos pratiques, tant de GCP que d’APP.
En conclusion, j’aimerais souligner un autre bénéfice potentiel de la démarche mise en œuvre : le fait que celle-ci peut servir à d’autres expérimentations du même ordre, que ce soit avec les approches du GCP et de l’APP ou avec d’autres. Il apparaît en effet fructueux de s’en inspirer. Son déroulement s’est avéré pertinent, du point de vue tant de l’approche expérientielle utilisée que des étapes suivies et du dialogue élaboré.
Je vois principalement quatre développements qu’il serait utile d’envisager :
- prévoir davantage de temps pour les séances ;
- vivre l’expérience de chacune des approches au moins à deux reprises ;
- élaborer un protocole pour l’expérimentation, susceptible de faciliter des méta-analyses ;
- approfondir et élargir la mise en perspective, notamment au niveau de la modélisation et de la référenciation théorique.
De tes développements nécessitent bien sûr un temps assez conséquent. Si je considère l’expérience vécue, celui-ci en vaut la peine… et comme souvent, c’est l’étape de production des écrits qui est la plus chronophage (un an en l’occurrence pour l’ensemble des textes) … mais non moins apprenante.
Pour terminer, je tiens encore à exprimer ma reconnaissance à mes collègues des deux côtés de l’Atlantique et le plaisir que j’ai eu à partager cette exploration avec eux.
Références bibliographiques
Bateson, G. (1995). Vers une écologie de l’esprit. Paris : Le Seuil. Tome 1 (1ère édition 1977).
Blanchard-Laville, C. & Fablet, D. (dir.) (2000). L’analyse des pratiques professionnelles, nouvelle édition revue et corrigée. Paris : L’Harmattan.
Bohm, D. (1996). On dialogue. New York : Routledge.
Calendini, J. & Vacher, Y. (2020). Groupe d’analyse de pratiques et de codéveloppement professionnel : témoignages. In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, No 18, pp. 80-84. http://www.analysedepratique.org/?p=3881.
Champagne, C. (2020). Le groupe de codéveloppement professionnel. In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 18, pp. 24-42. http://www.analysedepratique.org/?p=3721.
de Peretti, A. (1996). Le groupe d’approfondissement personnel. Cahiers pédagogiques.
N° 346, p. 45.
Desjardins, M. (2020). Mon expérience de groupes de codéveloppement professionnel et d’analyse de pratiques professionnelles. In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, No 18, pp. 70-79. http://www.analysedepratique.org/?p=3879.
Guillemette, S. (2017). Modalités pour le démarrage d’une démarche d’analyse de pratique et de réflexivité selon une perspective de bienveillance. In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 10, pp 119-132. http://www.analysedepratique.org/?p=2452.
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Vacher, Y. et Thiébaud, M. (2020). Groupes d’analyse de pratiques et de codéveloppement professionnel : mise en perspective. In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, No 18, pp. 43-69. http://www.analysedepratique.org/?p=3756.
Annexe
Déroulements proposés pour une séance d’analyse de pratiques (APP) selon une approche d’accompagnement, d’intelligence collective et de réflexivité et pour une séance de codéveloppement professionnel (GCP)
Une mise en perspective détaillée des deux démarches est développée dans Vacher & Thiébaud, 2020. Voir : http://www.analysedepratique.org/?p=3756.
APP | GCP |
Etapes | Caractéristiques | Etapes | Caractéristiques |
A) En début de démarche
Mise en place de la démarche générale |
Constitution du groupe – « contrat » Détermination des règles de fonctionnement |
Mise en place de la démarche : adoption d’un contrat de groupe, partage d’objectifs individuels | Démonstration par une session de sensibilisation -préparation des participants à leurs rôles de client et de consultant |
B) Avant la séance
Préparation personnelle des participants | Réflexion sur ses besoins (apprentissages et demandes) et sur le groupe (où en est-on ?) |
Identification du client Préparation personnelle du client et échange avec l’animateur |
Préparation écrite d’un exposé (recommandée mais non obligatoire) |
C) En début de séance
Tour de table : quels sont les besoins du jour pour chacun des participants ? | Échanges pour renouer les liens Identification et tri des attentesChoix de l’exposant |
Tour de table et confirmation du choix du participant qui sera client | Activité d’inclusion, retour sur la séance précédente, partage des intentions d’apprentissages |
D) Pendant une séquence de travail de groupe avec un exposant ou un client
1. Cadre général Quelle question exposée ? |
Clarification de la demande Vérification de sa pertinence Accord / contrat |
1. Exposé du sujet par le client | Mise à disposition d’informations par le client (qui expose et s’expose) |
2. Présentation de la pratique Que se passe-t-il ? |
Apport par l’exposant de faits et de vécus Questions par les participants (sans faire part d’analyses) |
2. Clarification de la problématique ou du projet |
Questions d’information (problème, contexte, personne) Questions d’exploration par les consultations et réponse par le client (sans proposition d’actions) Explicitation de l’implicite |
3. Analyse Comment comprendre ce qui se passe ? |
Analyses, hypothèses de compréhension par les participants Questionnement en commun, ouverture de différents angles de vue Retour de l’exposant |
3. Contrat de consultation | Lecture de la compréhension et de la demande par les participants. Formulation de la demande et des attentes du clientContrat défini par le client |
4. Mise en perspective Quelle synthèse ? |
Partage de liens Réflexions « méta » Apprentissages développés durant l’analyse (sans débat ni recherche de consensus) Retour de l’exposant |
4. Partage : réactions, commentaires, suggestions, partage d’expérience | Communication par les consultants de ce qui peut aider le client qui écoute (en lien avec les besoins définis) sans débat entre eux |
5. Options, pistes d’action (facultatif) Qu’est ce qui peut être fait ? |
Définition d’objectifs par l’exposant Recherche en commun de différentes pistes d’action et d’évolution de la pratique Retour de l’exposant |
5. Synthèse et projet d’action(s) |
Tri, réactions, formulation d’hypothèses d’actions concrètes, réalisables à court terme par le client qui s’engage à l’action) |
6. Bilan et prolongements Quels Comment ont été vécus les échanges ? |
Partage de vécus et apprentissages par tous Parfois : prolongements (p. ex. partage sur des liens possibles entre les pratiques) |
6. Conclusion : évaluation et intégration des apprentissages par chacun des participants |
Expression de l’appréciation, des apprentissages et des applications envisagées par tous les participants, incluant l’animateur Régulation du groupe |
Autres aspects plus transversaux
Un retour à la demande de l’exposant est fait régulièrement (pour un ajustement si celle-ci évolue). Des temps « méta » plus ou moins brefs ou longs, individuels ou collectifs, peuvent être introduits à différents moments. |
À tout moment, des temps d’arrêt sont permis pour porter un regard méta sur ce qui est en train de se produire au sein du groupe ou pour recadrer des interventions. |
E) Après la séance
Mise en œuvre d’actions Réflexions personnelles
|
Expérimentation Réflexions, mises en perspectiveParfois : prolongement des réflexions, échanges informels |
Expérimentation et mise en œuvre d’actions | Poursuite du travail et réalisation des actions par le client et les participants |
F) Lors d’une séance ultérieure (après le développement de réflexions et la mobilisation d‘actions éventuelles)
Suivi d’actions : retour d’information Parfois : nouvelle demande |
Partage par l’exposant des réflexions et actions développées dans l’entre-séance. Liens, prolongements Renforcement des acquis Parfois : nouvelle séquence si demande de l’exposant. |
Retour d’information à propos des actions entreprises
|
Généralisation des apprentissages |
G) A la fin de l’ensemble de la démarche (après plusieurs séances)
Bilan de l’ensemble : qu’est-ce qu’on en retire ?Conclusion et séparation du groupe |
Partage de feed-back sur toutes les dimensions du vécu : sens – implication – relations – organisation – animation – résultats, apprentissages |
Bilan personnel, de groupe et, dans certains cas, organisationnel | Appréciation de l’évolution des participants dans leurs apprentissages en lien avec leur pratique, leurs objectifs et le fonctionnement en GCP |
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Notes
[1] Michel Desjardins a été le président fondateur de l’Association québécoise du codéveloppe-ment professionnel (www.aqcp.org) et il anime notamment des GCP depuis plus de 25 ans.
[2] Claude Champagne a créé avec Adrien Payette la méthode du GCP. Il est formateur et animateur de GCP depuis une trentaine d’années.
[3] Yann vacher est formateur et chercheur à l’université de Corse. Il a créé le dispositif ARPPEGE (Analyse Réflexive de Pratiques Professionnelles En Groupe d’Echange ; Vacher, 2015).