Isabelle Haro

Formatrice – Psychologue clinicienne, Toulouse
i.haro[araobase]ifrass.fr

Résumé

Ce texte relate les différentes étapes d’un cheminement, celui d’une formatrice-psychologue travaillant dans le champ de la formation des travailleurs sociaux et qui a participé au développement de l’analyse de pratiques professionnelles (APP) au sein de son institution et auprès des professionnels de la petite enfance. L’auteure témoigne de sa pratique et du passage d’un dispositif à l’autre en pointant les similitudes entre l’APP et la médiation.

Mots-clés 

accompagnement, identité professionnelle, professionnalisation, cadre, postures

Catégorie d’article 

Témoignage

Référencement 

Haro, I. (2020). Du groupe d’identité professionnelle au groupe d’analyse de pratiques professionnelles et à la médiation. In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, No 16, pp. 104-117. http://www.analysedepratique.org/?p=3592.

 


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From the professional identity group to the professional practices analysis group and to mediation
Abstract

This text shows the different steps of an evolution, the one of a psychologist–formator working on the field of the social worker’s formation and who participated to the development of the professional practices analysis (PPA) in her institution and with professionals working with young children. The writer testifies of her practice and of the shift from a dispositive to another by pointing the common points between PPA and mediation.

Keywords

support, professional identity, professionalization, framework, postures


 

« C’est ce que je fais qui m’apprend ce que je cherche »

Pierre Soulages (artiste peintre)

Je suis formatrice et psychologue clinicienne dans un institut de formation aux métiers du sanitaire et du social (IFRASS) à Toulouse. Il y a quelques années déjà, ma direction m’avait demandé d’intervenir auprès des étudiants de deuxième et troisième années souhaitant devenir éducateurs de jeunes enfants, et ce sur des groupes constitués d’une dizaine de participants.

Ces groupes avaient pour objectif d’amener les étudiants à s’interroger sur leur posture ainsi que leurs pratiques, en vue d’affiner, voire de construire, leur identité professionnelle. J’animais en binôme avec un professionnel de terrain éducateur de jeunes enfants, extérieur à l’institution, ce temps de réflexion collective où chacun des participants pouvait prendre la parole et exposer une situation professionnelle qui l’avait interrogé.

Au commencement, le choix de deux animateurs, une formatrice psychologue et un professionnel de terrain éducateur de jeunes enfants, offrait une double lecture des situations vécues par les étudiants sur leur lieu de stage. Puis, la direction a fait le choix de ne garder qu’un seul animateur, le professionnel de terrain. Ces temps de réflexion permettaient aux étudiants d’avoir un lieu où ils pouvaient s’autoriser à dire, sans crainte d’être jugés. Mais ces groupes, qui s’apparentaient à des ateliers d’échange de pratiques, ne permettaient pas aux étudiants d’aborder le vécu de leur situation sous l’angle de la multi-dimensionnalité. Comment les accompagner à comprendre que l’on travaille aussi avec ce que l’on est et pas seulement avec ce que l’on a appris, avec ce que l’on croit savoir et ce que l’on ne sait pas ?

Ces groupes ont aussi permis deux choses : amorcer un début de posture réflexive chez les étudiants et reconnaitre ces temps comme des temps de professionnalisation. Les étudiants en se questionnant sur leurs pratiques ont trouvé un espace, une temporalité et un cadre où leurs interrogations se faisaient écho.

Petit à petit, ces groupes ont évolué. Quelques formateurs se sont formés à l’analyse de pratiques professionnelles (auprès de Patrick Robo) et ont pu partager leurs savoirs et leurs expériences et former, à leur tour, leurs collègues. J’ai eu la chance d’en faire partie en tant que co-formatrice, et j’ai pu animer, toujours en binôme, des groupes d’analyse de pratiques professionnelles (APP) auprès d’étudiantes infirmières puéricultrices.

Ces premières expériences, au sein d’un groupe d’analyse de pratiques professionnelles ont été riches d’enseignement. Que ce soit en termes de préparation à la co-animation (Qui anime ? Qui observe ? Qui gère le temps ? etc.), qu’en terme d’animation (adaptation à la dynamique du groupe, rappel des objectifs, respect des règles de fonctionnement, reformulation des questions de clarification et des hypothèses de compréhension).

J’ai pu aussi expérimenter la résistance des étudiantes face à un nouveau dispositif. Comment arriver à les inciter à se questionner dans leurs pratiques quand la plupart d’entre elles se réfugiaient derrière les gestes techniques et les protocoles de soins ? Comment leur faire comprendre que « dire » et « s’entendre dire » sont les prémices d’un « travail d’élaboration entre un vécu, rempli d’affect et une expérience conscientisante » (Paul, 2018).

Ces premiers groupes d’APP furent laborieux. Les participantes avaient du mal à mettre en mots leurs pratiques et à les partager. Ce dispositif faisant partie intégrante de leur formation, elles avaient peur d’être évaluées sur leurs capacités à « bien faire » ou non. Le respect du cadre, la bienveillance du groupe, l’écoute des participantes et les encouragements des animateurs ont fini par porter leurs fruits et la parole s’est progressivement libérée. « La rencontre de l’animateur avec un groupe est toujours une aventure où la tâche de l’animateur est toujours repensée, réorganisée, transformée en fonction de chaque individu, de chaque groupe et de chaque contexte. » (Gentilhomme, 2017).

Très rapidement, la direction m’a confié la mise en œuvre de ce dispositif auprès des professionnelles en Validation des Acquis de l’Expérience d’Auxiliaire de Puériculture. Si l’analyse de pratiques professionnelles en formation initiale vise la construction d’une identité professionnelle, elle permet, dans les formations continues, de la faire évoluer. Le côté technique de la démarche de l’APP a favorisé la distanciation des situations de soin et d’accompagnement (prise de recul) et a permis de clarifier leurs représentations. La plupart des participantes ont tout de suite vu l’intérêt de cette démarche en termes de professionnalisation : « Le professionnel/narrateur analyse son expérience, prend de la distance et donne du sens à son expérience et à ses émotions » (Grégoire, 2014).

Quelques séances d’APP plus tard, mon animation a évolué. Elle est devenue plus souple, plus créative aussi. J’adapte le dispositif (« sas de décompression », phases plus ou moins longues, etc.) en fonction des besoins du groupe et des objectifs. C’est ce que Fabienne Compère appelle « l’étape du renouveau » (Compère & Vacher, 2016).

1. La mise en place d’une APP obligatoire : de l’obligation à l’opportunité

Suite à la demande de la coordinatrice petite enfance d’une communauté de commune, ma direction m’a proposé d’intervenir auprès de professionnelles de la petite enfance de plusieurs structures d’accueil. Il s’agissait d’animer quatre séances d’APP par équipe, toutes les quatre semaines (soit douze séances au total). La demande semblait précise et j’y ai répondu favorablement.

Lors de ma première séance d’APP, l’équipe a verbalisé sans détour qu’elle n’a jamais été consultée et que ces temps d’APP ont été imposés par la hiérarchie sans prendre en compte les besoins exprimés par les professionnelles. Je me suis retrouvée donc face à un « groupe-équipe non volontaire » (Robo, 2017). Les participantes travaillaient ensemble et se côtoyaient quotidiennement et ne voyaient pas l’intérêt d’une telle démarche qui était rendue obligatoire par leur hiérarchie. J’étais très étonnée car ayant eu, en amont, plusieurs échanges téléphoniques avec la coordinatrice pour clarifier et valider le projet d’APP, il me semblait (à tort visiblement) que la concertation avec les équipes faisait partie intégrante de la demande.

A ce stade, je sais que je vais devoir travailler avec et non contre les résistances qui s’expriment, les accueillir pour pouvoir les transformer. « Animer, c’est d’abord, mobiliser l’ensemble des ressources présentes dans le groupe » (Thiébaud, 2017). Et des ressources, cette équipe en avait. Le fait que les membres du groupe se connaissaient depuis de nombreuses années et avaient l’habitude de travailler ensemble a créé d’emblée un climat de sécurité bienveillant. Je n’ai pas négocié très longtemps et je crois avoir « piqué » leur curiosité en leur proposant de développer leurs compétences en communication et en analyse, en explorant collectivement ce qui faisait problème.

Pour poser le cadre, j’ai expliqué à chaque groupe en quoi consiste l’analyse de pratiques professionnelles : ses objectifs, sur quoi porte le travail d’analyse, les règles de fonctionnement, les différentes phases en mettant l’accent sur la sécurité des participants (bienveillance, neutralité et confidentialité) et j’ai précisé ma posture d’animatrice et de participante.

Chemin faisant, chaque groupe-équipe a pu clairement exprimer sa frustration et son incompréhension dans ce que j’appelle « un sas de décompression » avant de mobiliser ses ressources internes et de pouvoir expérimenter, voire tester ce nouveau dispositif. La majorité des participantes ont validé la poursuite du dispositif et se sont pleinement engagées dans cette démarche d’accompagnement. Grâce à la dynamique du groupe, au respect du cadre et à la valorisation des compétences des unes et des autres, les participantes ont pu vaincre leur résistance pour cheminer ensemble vers des dimensions inexplorées.

A cette étape, il était essentiel pour moi, de leur donner « le choix » : faire une expérience de l’APP pour ensuite décider de manière libre de poursuivre ou non. Accompagner leurs doutes et leurs incertitudes et les encourager en leur donnant dès le départ des outils qui ont grandement facilité l’implication des participantes et le climat de confiance et de respect mutuel.

J’ai distribué plusieurs documents : a) une grille des différentes phases (voir annexe 1), que j’ai construite en m’inspirant de la grille du Groupe de Formation à l’Analyse de Pratiques Professionnelles (GFAPP) de Patrick Robo (2016) et du dispositif d’analyse de pratiques centré sur la question que se pose le narrateur, de Nadine Faingold (2014) ; b) une grille de lecture multidimensionnelle (voir annexe 2) ; c) une feuille sur laquelle le narrateur peut noter toutes les hypothèses (voir annexe 3). D’abord, le narrateur peut garder une trace écrite des réflexions individuelles et ensuite, cela permet au groupe de réorganiser ses idées en reformulant les hypothèses pour qu’elles soient suffisamment explicites et compréhensibles pour le narrateur (Compère & Vacher, 2016).

Pour permettre l’émergence des situations, j’ai proposé un tour de table, où chaque participant donne un titre et un ou des mots clés qui résument une situation qui lui pose question.

Pour le choix, je note chaque situation et le groupe décide après échanges et/ou vote (en fonction de l’urgence de la situation, de la charge émotionnelle exprimée, de situations analogues vécues, etc.) quelle sera la situation analysée. Je rappelle que les situations qui n’ont pas été choisies peuvent éventuellement être analysées au cours d’une prochaine séance d’APP.

Sur ces premières séances d’APP, j’ai rappelé régulièrement le cadre ainsi que les différentes phases du dispositif. A plusieurs reprises des questions ont été posées alors que nous étions dans la phase des hypothèses et certaines questions se transformaient en recherche de solutions.

J’ai accompagné le groupe dans la formulation des hypothèses et j’ai fait le point régulièrement sur les dimensions déjà abordées pour inciter le groupe à élargir l’analyse en explorant d’autres dimensions.

Si au commencement, mes interventions étaient nombreuses et récurrentes, au fil du temps, les groupes se sont autonomisés et mes interventions furent de plus en plus rares. Je restais cependant concentrée, veillant à réguler les échanges, avec un mélange de souplesse et de fermeté[1]. J’observais les réactions des participantes et « dosais » mes interventions pour laisser le plus de place possible à la dynamique du groupe.

Ces premières séances d’APP ont nécessité des ajustements, de l’adaptation au niveau du cadre en fonction des besoins exprimés, des temps de régulation des émotions, une posture sécurisante et vigilante de ma part. Nous avons appris à nous connaitre et à nous faire confiance.

Ces temps d’analyse ont permis de faire émerger une demande, toujours en termes d’accompagnement, mais plus en lien avec la recherche de pistes de résolution. En effet, les participantes ont souhaité faire part à leurs responsables de difficultés liées à la communication et à l’organisation. Suite à leur demande et avec l’accord des participantes, j’ai pu effectuer un retour au commanditaire lors d’une réunion bilan. Tout en respectant la règle de confidentialité, j’ai pu décrire le contexte défavorable dans lequel évoluaient certaines équipes.

2. De l’analyse de pratiques professionnelles à la médiation

Après ces quelques mois passés à travailler à l’analyse de pratiques avec les professionnelles de ces différentes structures, et suite à cette réunion bilan, ma direction m’a proposé d’intervenir comme médiatrice pour tenter de restaurer la communication entre certaines professionnelles et leur direction. « La médiation établit les liens, elle les crée, elle les renoue, les rétablit… Elle est le fil entre une personne qui a quelque chose à transmettre et celle à qui elle veut le communiquer. Elle est le véhicule de l’information et avec elle, le médiateur est en position de copilote » Lascoux (2013). J’ai accepté la mission, non sans avoir négocié un temps de préparation et de recherche afin d’expérimenter de nouveaux outils et de me les approprier (étape 1). Pour construire mes interventions je me suis servie de la méthode des « 7 C » qui décrit les étapes de l’entretien de médiation développée par Chavanis et Gava (2014) :

Etape 1 : Concentration ; je me prépare avant l’entretien

– Etape 2 : Contact/Cadre ; je crée un climat de confiance, fixe le cadre et les règles

– Etape 3 : Connaissance ; j’identifie le désaccord et les racines du conflit

– Etape 4 : Compréhension ; j’invite les parties à comprendre leurs points de vue

– Etape 5 : Co-construction ; j’encourage les parties à explorer les solutions

– Etape 6 : Conclusion ; je synthétise les solutions et les engagements

– Etape 7 : Consolidation ; j’accompagne les parties dans la concrétisation du plan d’action. 

J’ai eu quatre séances pour accompagner, encourager et soutenir les professionnelles dans leurs prises de décision.

Dans un premier temps, le climat de confiance étant déjà instauré, les entretiens avec l’équipe éducative, puis avec la directrice ont permis de voir et d’entendre ce qu’elles avaient à dire (étapes 2, 3 et 4).

Lors de ces premières séances, j’ai présenté la médiation et ses modalités, ainsi que les règles garantes du processus (confidentialité, impartialité, neutralité). J’ai expliqué ma fonction : « le médiateur est un facilitateur de communication. Il accompagne les parties tout au long du processus, en les invitant à trouver des solutions par elles-mêmes. Il n’est ni un juge, ni un conciliateur, ni un arbitre, ni un consultant » (Chavanis & Gava. 2014).

Les émotions ont été vives et parfois difficiles à verbaliser. J’ai proposé à l’équipe de passer par l’écrit et de réaliser un dessin collaboratif : chaque participante, à l’aide d’un schéma, de symboles ou de mots pouvait illustrer ce qui faisait problème pour elle. J’ai invité les parties à exprimer leurs besoins (obligations) et leurs attentes (souhaits). Dans un second temps, les entretiens collectifs avec l’équipe et la directrice ont permis une nouvelle compréhension des différents points de vue et de stimuler la recherche de solutions (étapes 5 et 6).

Chacune des parties a exposé à l’autre le dessin ainsi que les mots et leurs différentes significations (questions de clarification uniquement) pour que chaque professionnelle puisse entendre le discours de l’autre.

Les participantes ont travaillé en petits groupes sur des hypothèses de compréhension (avec l’aide de la grille de lecture multidimensionnelle).

J’ai stimulé la recherche de solutions par des techniques de brainstorming : chaque participante écrivait toutes les solutions qu’elle envisageait sur un post-it avant de les synthétiser collectivement puis de lister celles qui lui paraissaient acceptables. Nous avons contractualisé ensemble le compte rendu de médiation avec les pistes de solutions et les engagements des parties.

Lors de la dernière séance (4 mois après), Nous avons fait le point ensemble sur les engagements pris et les éventuels réajustements à mettre en place (étape 7). Les participantes ont pu échanger librement (chacune des participantes a pu prendre la parole) sur leur ressentis face aux différents changements ainsi que sur le dispositif mis en place (méta-analyse).

3. APP et médiation : des similitudes

En APP comme en médiation, le nombre de séance est préétabli en amont et délimité dans le temps. Chaque séance est cadrée (temps, contenu, règles). Il existe des phases et/ou des étapes successives. L’accompagnateur peut se déplacer dans des rôles différents : animateur, participant, régulateur, guide, selon les contextes et les interlocuteurs.

En termes de cadre

Ces différentes expériences m’ont permis d’entendre que même si parfois le cadre pouvait sembler contraignant (« Le fait de ne pas pouvoir poser des questions quand il s’agit des hypothèses… Les hypothèses sont difficiles à formuler… C’est frustrant de ne pas pouvoir revenir sur les questions… »), il se révélait toujours contenant, voire rassurant (« Les différentes phases permettent de ne pas partir dans tous les sens… La reformulation des hypothèses à plusieurs est intéressante… Le cadre évite les débordements et permet d’avancer dans la réflexion… Le cadre est structuré donc structurant pour nous »).

En termes de protocole

Les différentes phases en APP (émergence, choix, exposé, questions, hypothèses, conclusion et méta-analyse) et les 7 étapes en médiation permettent de poser ce cadre contenant.

En termes de principes

Un même postulat : le narrateur ou les parties détiennent la solution à leur problème. Il existe des principes préconisés et instaurés par l’animateur ici, ceux de la centration sur le sujet théorisés par C. Rogers (1966) : la compréhension empathique, la congruence, la considération positive inconditionnelle.

En termes de postures

Les participants tendent à se développer de manière constructive à partir de leurs propres ressources, dans la mesure où une certaine forme de relation leur est offerte. C’est pourquoi l’accompagnant doit faire preuve de « retenue ».

Je reprendrai ici les caractéristiques de la posture d’accompagnement décrite par Paul (2012) : Une posture de « non-savoir » : ce sont les professionnels qui sont les experts de leur expérience. Cette posture permet d’ouvrir le « dialogue » et d’échanger de sujet à sujet et non plus de professionnel à usager. Cela implique également une posture « d’écoute ». La manière la plus simple et la plus puissante de se connecter à une autre personne est d’écouter. L’accompagnateur est à la fois facilitateur et empathique. « L’empathie, c’est être presque l’autre sans être l’autre et sans cesser d’être soi-même. » (Rogers, 1966).

Une posture « éthique » consistant à ne pas se substituer à autrui. L’accompagnateur accueille les participants là où ils en sont et non là où il voudrait qu’ils soient.

Une posture « émancipatrice » : la relation repose sur une alliance. C’est ce travail en interaction avec les autres qui nous permet de « grandir en humanité ».

Le rôle de l’accompagnateur/médiateur est d’être à l’écoute de ce qui se dit du sujet au travers d’une situation ou d’une pratique.

4. Conclusion

Cela fait maintenant plus de quinze ans que j’exerce en tant que formatrice, que ce soit auprès des étudiants, stagiaires ou professionnels du secteur social ou du médico-social. Lorsque j’ai découvert l’APP, j’ai trouvé une autre façon d’accompagner. Je me suis laissé guider par la singularité de chacun, par la dynamique du groupe, ou son inertie. Même dans les groupes les plus réfractaires à l’APP, je n’ai jamais eu à apporter une situation. Le groupe accueille la parole, il canalise les émotions, il invite à se questionner, il accompagne, grâce à un cadre fort, contenant et qui « respire ». Ce cadre n’est pas figé, il évolue au gré des besoins exprimés, il se transforme et s’adapte. Accepter le cadre, c’est renoncer à la toute-puissance. C’est accepter de faire « un pas de côté » pour entendre le discours de l’autre et comprendre de quelle place il parle. Si l’animateur veille au respect du cadre, au fil du temps, chaque participant en devient à son tour le garant. Et c’est bien grâce à ce cadre que les groupes d’analyse de pratiques professionnelles, comme la médiation, sont des espaces « tiers » qui permettent de comprendre pourquoi nous agissons comme nous le faisons et de remettre du sens là où il avait disparu.

Références bibliographiques

Chavanis, J.-L. & Gava, M.-J. (2014). Outils et pratique de la médiation. InterEditions.

Compère, F. & Vacher, Y. (2016). Séminaire d’Analyse de Pratiques Pédagogiques : évolutions et modifications à venir. In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 8, pp. 3-16. http://www.analysedepratique.org/?p=2136.

Faingold, N. (2014). Un dispositif d’analyse de pratiques centré sur la question que se pose le narrateur. In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 3, pp. 3-12. http://www.analysedepratique.org/?p=1221.

Gentilhomme, I. (2017). Mise en place d’un dispositif d’APP auprès d’infirmières puéricultrices de Protection Maternelle et Infantile. In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 10, pp. 72-84. http://www.analysedepratique.org/?p=2442.

Grégoire, E. (2014). Le cadre de l’analyse de pratiques professionnelles. In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 2, pp. 11-19. http://www.analysedepratique.org/?p=1046.

Lascoux, J.-L. (2013). Pratique de la médiation. ESF.

Paul, M. (2018). Formation de cadres et de formateurs : Analyse de pratiques professionnelles et démarche d’accompagnement. Narbonne.

Paul, M. (2012). L’accompagnement comme posture professionnelle spécifique : l’exemple de l’éducation thérapeutique du patient. In Recherche en soins infirmiers, n°110, septembre 2012.

Robo, P. (2016). Les phases d’un G.F.A.P.P. http://probo.free.fr/ecrits_app/grille_phases_gfapp.pdf.

Robo, P. (2017). Vers un mémento pour mettre en place et démarrer un groupe d’APP… In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 10, pp. 23-41. http://www.analysedepratique.org/?p=2433.

Rogers, C. (1966). Le développement de la personne. Dunod.

Thiébaud, M. (2017). Co-animer un groupe d’APP : quelles modalités de préparation et de mise en œuvre de la co-animation ? In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 11, pp. 4-17. http://www.analysedepratique.org/?p=2751.

 

Annexe 1 : Analyse de pratiques professionnelles

« Centration du groupe sur la question du narrateur »

Tableau inspiré de Faingold (2014 ; voir https://www.analysedepratique.org/?p=1221)
et du tableau de Robo (2016 ; voir http://probo.free.fr/ecrits_app/grille_phases_gfapp.pdf).

Phases Animateur Exposant Participants Temps

Phase 1 :

Le choix de la situation

Pose le cadre, présente les objectifs, les principes, le déroulement du GAPP.

Demande à chaque membre du groupe de réfléchir à une situation qui lui pose problème.

Note au tableau le titre, les mots clés, précédés d’un numéro.

Tour de table : « si j’avais à parler aujourd’hui, je parlerais de… »

Choisissent un titre, des mots clés résumant la situation.

Décident ensemble du sujet de la situation qui sera exposée.

5 à 10 min.

Phase 2 :

Le récit par le narrateur

Fait éventuellement reformuler une partie du récit (sans questionner, ni commenter).

Demande à l’exposant : « quelle est la question que vous vous posez et sur laquelle vous sollicitez l’aide du groupe ? »

Présente le récit d’une situation professionnelle vécue qu’il veut questionner, qui lui a posé question, éventuellement problème.

Ecrit la question au tableau.

 Ecoutent. 5 à 10 min.

Phase 3 :

La phase des questions

Ne pose pas de question (sauf si une question importante n’a pas été posée).

Est garant du temps, des prises de parole et de sécurité des personnes.

Demande à l’exposant : « comment formulez-vous votre question à présent ? »

L’exposant est libre de répondre ou non.

Ecrit la question sous la première formulation.

Le groupe pose des questions à l’exposant pour recueillir plus d’éléments d’information sur la situation (question de clarification et non conseils ou hypothèses déguisées). 30 à 45 min.

Phase 4 :

Les hypothèses

L’animateur veille à ce qu’il n’y ait aucun jugement de valeur.

Recentre, guide, oriente vers des niveaux d’analyse non abordés.

Peut participer aux hypothèses.

N’intervient pas durant cette phase mais prend des notes.

Emettent des hypothèses de compréhension et recherche du modifiable.

Peuvent interagir par hypothèses à partir de celles déjà émises.

30 à 45 min.

Phase 5 :

Retour au narrateur (nouvelles perspectives)

Demande à l’exposant : « que retenez-vous de tout ce que vous avez entendu ? »

Veille à opérationnaliser les pistes de retour à l’action : « qu’allez-vous faire en retournant sur votre lieu de travail, quelles seront les étapes, les éventuels obstacles à contourner, les personnes sur lesquelles vous pouvez vous appuyer ? »

Reprend la parole pour dire ce qu’il veut, s’il le souhaite et conclure ce temps d’analyse.

La parole lui sera donnée lors de la prochaine séance pour dire ce qui s’est passé dans l’intersession.

Ecoutent. 5 à 10 min.

Phase 6 :

Retour sur le vécu de chaque participant

Méta-analyse

S’adresse aux participants avec la consigne suivante : « je vous propose de prendre un temps pour revenir sur la manière dont vous avez vécu ce temps d’analyse des pratiques. »

Invite le groupe à un travail réflexif sur le collectif et ses processus d’accompagnement (développement des compétences collectives dans l’analyse et l’accompagnement).

L’exposant reprend la parole en premier. Chacun des participants reprend la parole. 15 min.

 

Annexe 2 :  Grille de lecture multidimensionnelle

Pour :

  • Expliquer
  • Elargir la compréhension de la situation
  • Donner du sens
  • Professionnaliser
  • Interroger les pratiques


Annexe 3

« Titre-intitulé » de ce témoignage/Question posée

 

 

Emission d’hypothèses – pistes de réflexion

Essais de réponses qui vont dans le sens de la compréhension de ce qui s’est passé et non dans le sens de résolution de problème.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Note

[1] Je fais la distinction entre fermeté (respect des règles) et rigueur (rappel des règles), afin d’éviter les dérapages et les débordements.