Nancy Lauzon
Université de Sherbrooke
Nancy.Lauzon[arobase]usherbrooke.ca
Résumé
Ce texte témoigne d’une expérience d’analyse de pratiques menée en milieu universitaire et dont les participants sont des directeurs et directrices d’établissement scolaire du Québec. Plus précisément, il vise à apporter des éléments de réponse aux deux questions suivantes : quels ont été les principaux obstacles rencontrés ? et quelles ont été les stratégies déployées pour contrer ces obstacles, particulièrement celles associées à la phase de démarrage ? L’article débute par une description du dispositif de formation employé. Puis, les principaux obstacles à l’analyse de pratiques professionnelles et certains de leurs impacts sont répertoriés. Une fois cette synthèse mise à plat, les stratégies déployées pour favoriser l’analyse de pratiques, particulièrement celles associées à la phase de démarrage, sont discutées.
Mots-clés
direction scolaire, obstacles, stratégies, contexte universitaire, entraves, glissement, préparation du groupe, formation complémentaire
Catégorie d’article
Témoignage ; texte de réflexion en lien avec les pratiques
Référencement
Lauzon, N. (2017). Obstacles et stratégies relatives à la mise en place de l’analyse de pratiques professionnelles en contexte universitaire. In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, 10, pp 53-63. http://www.analysedepratique.org/?p=2438.
1. Introduction
Ce texte témoigne d’une expérience d’analyse de pratiques professionnelles menée depuis 2012 dans le cadre d’un cours universitaire de niveau Master destiné à des directeurs et directrices d’établissement scolaire en exercice. Nous souhaitons profiter de l’occasion qui nous est offerte pour prendre du recul afin de porter un regard critique sur cette expérience. Plus précisément, nous nous attardons d’abord à décrire les principaux obstacles rencontrés et à présenter un certain nombre de stratégies que nous avons déployées par la suite et à la lumière de ceux-ci, particulièrement lors de la phase de démarrage. Tout au long de cette expérience, nous avons en effet pu constater que la mise en place d’une activité d’analyse de pratiques en contexte de formation universitaire et à destination des directrices et directeurs d’établissement en exercice comporte sa part de défis. Certains participants se limitent par exemple à échanger ou à tenter de trouver des solutions ponctuelles à des problèmes auxquels ils sont confrontés dans l’exercice de leurs fonctions de gestionnaire. D’autres cherchent uniquement à confirmer les solutions qu’ils envisagent d’employer auprès de leurs pairs ou à se convaincre que la situation est sans issue. En dépit du fait que les participants se disent satisfaits de l’activité, cette situation nous interpelle puisque celle-ci vise en premier lieu à permettre à ces directeurs et directrices d’apprendre à analyser leurs pratiques professionnelles dans le cadre d’une démarche d’intervention.
Plus précisément, devant ces constats, nous jugeons pertinent d’apporter des éléments de réponse à deux questions qui se situent au cœur de notre propre pratique professionnelle, à savoir : quels ont été les principaux obstacles rencontrés ? et quelles ont été les stratégies déployées pour contrer ces obstacles, particulièrement celles associées à la phase de démarrage ?
Pour guider notre réflexion, une description sommaire du dispositif de formation employé est d’abord proposée. Par la suite, les principaux obstacles à l’analyse de pratiques professionnelles rencontrés et certains de leurs impacts sont répertoriés. Une fois cette synthèse mise à plat, les stratégies déployées pour favoriser l’analyse de pratiques par les participants, particulièrement celles associées à la phase de démarrage sont discutées.
2. Description sommaire du dispositif de formation
Cette description situe d’abord l’activité d’analyse de pratiques professionnelles par rapport à l’ensemble du dispositif de formation. Elle aborde ensuite certaines de ses caractéristiques dites structurelles, dont sa place dans le cursus, sa durée et le public visé. Enfin, elle précise l’objectif général de l’activité et les moyens privilégiés pour l’atteindre.
L’activité d’analyse de pratiques professionnelles sur laquelle nous nous penchons ici est enchâssée dans un dispositif de formation plus large inspiré d’une démarche de codéveloppement[1] (Payette et Champagne, 1997). Ce dispositif d’une durée totale de trois jours fait partie, quant à lui, d’un cours obligatoire de niveau Master en gestion de l’éducation, offert à des groupes d’environ 15 directeurs et directrices et directeurs et directrices adjoints d’établissement à l’emploi d’une commission scolaire[2] ou d’un collège privé du Québec depuis au moins cinq ans. Deux formateurs interviennent auprès des participants dans le cadre de cette activité de formation : un ou une professeur(e) d’expérience ainsi qu’un chargé de cours chevronné, engagé expressément pour soutenir l’animation de cette activité et possédant une grande expertise en matière de codéveloppement.
Ce dispositif de formation a pour objectif général de favoriser chez le participant un agir compétent qui, selon nous, requiert que celui-ci renforce sa capacité d’analyser ses pratiques professionnelles par rapport à une situation problématique donnée, qu’il planifie et réalise une intervention qui s’inspire de cette analyse, qu’il évalue l’efficacité de l’intervention suivant différentes perspectives et, enfin, qu’il tire des enseignements quant à ses pratiques professionnelles.
Précisons que l’analyse de pratiques professionnelles est ici considérée comme la clé de voûte de la démarche d’apprentissage proposée, puisqu’elle influence l’ensemble des activités réalisées. De fait, l’analyse de pratiques invite le participant à revisiter une situation qui l’interpelle et à l’aborder sous de nouveaux angles à la lumière de savoirs théoriques et expérientiels se rapportant à des domaines de pratiques associés à sa fonction de gestionnaire (par exemple, supervision du personnel, gestion de conflits). Le but est d’enrichir sa réflexion et sa capacité d’analyse à l’aide d’un questionnement, mais aussi de guider ses interventions par la suite.
Ainsi, bien que l’origine de cette démarche d’apprentissage et son aboutissement soient arrimés avec l’action en tant que point d’ancrage et de zone d’expérimentation, l’essentiel de son entreprise consiste à favoriser une explicitation des multiples fondements sur lesquels peut reposer la pratique professionnelle du participant. Cela nous amène à considérer que la démarche n’est pas axée principalement sur le partage d’expériences ou sur la recherche de solutions à des problèmes professionnels vécus par les participants.
3. Obstacles rencontrés
Notre analyse met en évidence deux catégories principales d’obstacles à une démarche d’analyse de pratiques professionnelles en contexte de formation universitaire. La première catégorie regroupe des obstacles propres au milieu institutionnel dans lequel l’expérience se déroule. Ces derniers ont trait, par exemple, aux ratios professeurs-étudiants fixés par l’établissement, aux horaires de cours, aux normes et aux modalités d’évaluation et aux règles d’attribution des charges de cours. Compte tenu du faible pouvoir que nous avons pour agir sur ces obstacles, ceux-ci ne sont pas abordés dans le présent texte.
La seconde catégorie regroupe des obstacles propres aux participants. C’est sur ces derniers que se concentrent nos propos, et ce, pour deux raisons : nous croyons que ces obstacles ont une incidence directe sur la dynamique d’analyse de pratiques professionnelles et nous considérons être en mesure d’intervenir pour les supprimer. Comme l’illustre la figure 1, ces obstacles sont répartis en trois catégories afin d’en favoriser l’analyse, soit un faible degré d’engagement du participant, une maîtrise problématique de certains savoirs et une réticence à partager certaines informations avec d’autres membres du groupe. Il va de soi que dans les faits, ces obstacles ne sont pas nécessairement exclusifs et qu’ils peuvent s’influencer mutuellement.
3.1 Faible degré d’engagement du participant
Lors de nos premières expériences, dès la phase de démarrage, nous avons été interpellés par le fait qu’au lieu de s’engager dans un processus d’analyse des pratiques comme nous le souhaitions, des participants semblaient plutôt se cantonner dans une posture que nous qualifierions de plus « instrumentale ». Certains se contentaient de « bavarder » avec d’autres membres du groupe, d’échanger sur la situation problématique qu’ils se devaient de présenter, de tenter de trouver des solutions ponctuelles à des problèmes auxquels ils étaient confrontés dans l’exercice de leur fonction, de se limiter à faire part de « leurs » solutions aux autres ou simplement de se convaincre que la situation vécue était sans issue.
Différents indices nous amènent à postuler que ce type de participant « loge à la marge » de la démarche d’analyse de pratiques. Il peut s’agir de propos formulés lors de la phase du questionnement ou au moment des bilans qui clôturent chacune des rencontres du groupe. Ce peut être aussi les réponses apportées à certaines questions qui lui sont posées dans des fiches bilans ou de notes inscrites dans le cahier du participant[3]. Voici des exemples qui témoignent de ce type de comportement : le participant répondra que sa vision de la situation problématique n’a pas changé à la suite des questions qui lui ont été posées par ses collègues, ou encore que celles-ci lui ont permis de confirmer « qu’il avait raison » d’agir comme il entendait le faire. Enfin, les apprentissages qu’il rapportera dans ses écrits auront uniquement trait à de nouvelles connaissances procédurales. Ces propos et ces écrits nous incitent à croire que plutôt que d’entreprendre une démarche qui pourrait l’amener à modifier le regard qu’il porte sur la situation problématique, sur sa relation à cette situation ou encore sur le contexte dans lequel elle s’inscrit, ce participant préfère demeurer à l’extérieur du jeu.
Comment alors ne pas s’interroger sur les raisons qui le poussent à agir ainsi ? Selon nous, certaines variables contextuelles pourraient contribuer à expliquer un tel comportement, notamment le fait que l’activité se déroule dans le cadre d’un cours obligatoire et que l’étudiant qui désire poursuivre ses études dans le programme doit accepter d’y participer. Or, en réalité, un étudiant peut vouloir poursuivre ses études au Master, mais ne pas pour autant souhaiter expérimenter une démarche d’analyse de pratiques professionnelles, et ce, pour plusieurs raisons. Ainsi, pourrait-il avoir l’impression que cela pourrait nuire à son image de gestionnaire compétent ou que cela risquerait de remettre en question des présupposés ou des croyances sur lesquels il a fondé ses interventions jusqu’à présent ? Ou encore, est-ce parce qu’il n’accorderait pas la légitimité ou l’expertise requise à ses collègues ? Voilà autant de questions sur lesquelles il importerait de se pencher dès la phase de démarrage.
Quoi qu’il en soit, cet engagement plutôt « instrumental » lui permet de composer avec l’obligation de participer à cette activité, mais le manque d’intérêt constitue un obstacle à la démarche d’analyse et au développement de ses compétences et de celles des autres participants.
3.2 Maîtrise problématique de certains savoirs
Un deuxième obstacle peut aussi être associé à des limites contextuelles. Notre expérience suggère qu’une maîtrise insuffisante de certains savoirs peut créer un obstacle à l’analyse de ses pratiques professionnelles suivant la perspective que nous privilégions. Si, d’une part, nous désirons que les participants utilisent leur savoir d’expérience pour analyser les situations problématiques présentées par leurs collègues, nous nous attendons aussi à ce qu’ils appuient leur questionnement sur des savoirs théoriques pertinents acquis dans le cadre du diplôme de 2e cycle.
Plus concrètement, nous constatons que la majorité des situations problématiques apportées et analysées par les participants relèvent de la gestion des ressources humaines, notamment l’encadrement et la supervision, de la gestion du changement, des conflits, des relations de travail, des processus décisionnels, etc. Or, pour diverses raisons[4], la connaissance et la maîtrise des savoirs associés à ces domaines semblent fort limitées chez certains. En tant que formatrice, cette situation nous interpelle : comment pallier cette situation et cela, dès la phase de démarrage?
Dans un même ordre d’idées, il nous semble que certaines limites sur les plans de savoirs faire et de savoirs être pouvaient influencer le degré de compétence de certains participants, particulièrement lorsqu’il s’agit d’être à l’écoute des collègues ou encore à la façon d’intervenir et de poser des questions. Par exemple, certains participants peuvent poser des questions suggérant des solutions ou témoignant d’un jugement de valeur. La présence de cet obstacle nous est notamment apparue au fil des échanges entre et avec les participants et lors de la lecture de certains passages des cahiers du participant. Or, selon nous, ces savoirs sont requis pour réaliser une analyse de sa pratique professionnelle, d’où l’importance de permettre aux participants de développer cette compétence au tout début de la phase de démarrage.
3.3 Réticences à partager certaines informations sur soi ou sur l’établissement
Un troisième obstacle observé mérite d’être traité, puisqu’il touche la fluidité des échanges entre les membres du groupe. Il s’explique par le fait que des participants travaillent dans un même territoire géographique et ont le même employeur (commission scolaire ou collège privé), ce qui les amène à refuser de partager avec d’autres membres du groupe des informations qu’ils considèrent comme stratégiques. Il peut s’agir par exemple de difficultés rencontrées dans l’exercice de sa fonction, de données stratégiques sur l’établissement ou encore, de projets organisationnels envisagés. Nous avons en effet reçu des témoignages qui révélaient que certains participants se retrouvent parfois en compétition avec des collègues pour l’obtention d’une promotion ou d’un poste éventuel, alors que d’autres œuvrent dans des collèges privés qui luttent pour recruter le même public.
4. Stratégies déployées lors de la phase de démarrage
Différentes stratégies ont été déployées pour contrer ces obstacles rencontrés lors de la phase de démarrage et ainsi favoriser l’analyse des pratiques professionnelles chez les participants. La figure 1 propose une articulation des différents obstacles qui ont été traités précédemment, des variables contextuelles pouvant expliquer la présence de ces obstacles ainsi que les principales stratégies déployées.
Figure 1 – Obstacles et stratégies relatives à la mise en place
de l’analyse de pratiques professionnelles en contexte universitaire
Compte tenu des obstacles rencontrés, diverses stratégies sont désormais déployées dès le démarrage de la démarche. De manière générale, elles ont pour but de permettre au participant de mieux saisir la nature de l’activité, de l’inciter à se placer dans une posture d’apprentissage, de l’aider à acquérir ou à consolider certains savoirs et de soutenir l’ensemble de sa démarche d’apprentissage. Ces éléments ont pour finalité la facilitation du démarrage et de la mise en place de l’analyse de pratiques professionnelles.
4.1 Inciter le participant à adopter une posture d’apprentissage
Désormais, dès le début de la démarche, nous présentons aux participants ses objectifs et certains de ses fondements théoriques, ses étapes et les rôles qu’ils seront appelés à y jouer. Enfin, nous déterminons avec eux les règles de fonctionnement et les rôles que joueront les deux formateurs. Nous considérons que de cette manière, nous avons accru la rigueur du processus.
Vu les obstacles rencontrés lors de nos premières expériences, une stratégie mise en place a été d’insister davantage sur les objectifs poursuivis par la démarche et d’y revenir fréquemment par la suite. Nous insistons désormais sur le fait que la démarche qui sera expérimentée vise d’abord et avant tout une analyse de pratiques professionnelles, et non une recherche de solutions ou un partage de réussites. Nous avons réalisé que faute d’insister sur les apprentissages visés, les participants de nos premiers groupes avaient l’impression que l’objectif principal de l’activité de formation était de travailler en équipe pour régler un problème de gestion. Or, nous devions leur rappeler que nous cherchions plutôt à les initier à une démarche d’analyse de leurs pratiques de gestionnaire de manière à ce qu’ils soient davantage préparés à réaliser une intervention fondée sur cette analyse, à l’expérimenter et à en faire l’évaluation.
Toujours en ce qui concerne les objectifs poursuivis, nous insistons également sur le fait que la démarche vise à examiner sous de nouveaux angles les situations problématiques amenées et à en explorer les zones d’ombre. Ceci nous permet notamment de mettre en évidence la pertinence de référents théoriques en lien avec différents domaines de connaissance, dont la gestion des ressources humaines, ainsi que la notion de niveaux d’analyse (par exemple : individu, groupe, organisation).
Au fil du temps, nous avons aussi jugé bon de développer une présentation plus exhaustive des fondements de la démarche d’apprentissage à laquelle nous convions les participants. Lors de nos premières expériences, nous avons en effet constaté que certains avaient l’impression qu’ils étaient invités à une démarche relevant davantage de la psychologie que du développement professionnel, d’où l’importance de la distinguer d’une démarche de développement personnel ou d’autres approches semblables. Ce faisant, nous traitons de travaux qui orientent la démarche d’apprentissage, dont les écrits de Payette et Champagne sur le codéveloppement, les travaux de Kolb sur l’apprentissage expérientiel (1983), ceux d’Argyris et Schön (2002) de même que des écrits sur l’apprentissage dans l’action (par exemple O’Neil et Marsick, 2007).
À la suite de la présentation de ces objectifs et fondements, nous explicitons certains éléments du « contrat » en vertu duquel les participants doivent s’engager et nous insistons auprès de ces derniers sur le fait qu’ils sont membres d’un groupe d’apprentissage. Ainsi, dès la présentation de la démarche, nous rappelons l’importance d’expérimenter et de respecter chacune des étapes du processus d’apprentissage dans lequel ils s’engagent. Plus précisément, nous leur expliquons qu’ils réaliseront un processus composé de quatre étapes principales : a) la présentation et l’analyse d’une situation problématique de leur choix, étape dans laquelle s’inscrit le dispositif d’analyse de pratiques ; b) la planification d’une intervention ; c) l’expérimentation de cette intervention ; d) le retour sur celle-ci (évaluation de son efficacité et enseignements tirés). Nous avons d’ailleurs développé une figure qui leur sert de carte routière tout au long de la démarche.
Dès le démarrage, d’autres éléments du « contrat » sont clarifiés. En outre, nous arrêtons avec les participants les règles de fonctionnement de même que certains principes qui régissent ce dernier. Nous insistons principalement sur le respect et la confidentialité en donnant des exemples concrets de ce que signifient ces mots dans le cadre de la démarche d’apprentissage. Nous considérons ces règles de fonctionnement et ces principes comme étant des ingrédients essentiels pour favoriser un climat de confiance et de respect. Nous veillons à ce que les participants se sentent à l’aise de présenter des situations parfois préoccupantes et même pénibles, ou encore de poser des questions à leurs collègues sans craindre d’être jugés.
Finalement, afin de favoriser l’engagement, nous avons décidé d’aménager le dispositif de façon à ce que tous les participants puissent présenter une situation problématique professionnelle de leur choix. Ils doivent toutefois en être l’acteur principal et il doit s’agir d’un problème non structuré au sens de Gagnon (2010, p. 25-27), à savoir que le problème doit répondre à quatre conditions : 1) que les participants jugent cette situation anormale et préoccupante selon divers critères; 2) qu’ils aient un pouvoir d’intervention sur cette situation; 3) qu’ils aient la volonté d’intervenir sur cette situation ainsi que la volonté et la possibilité d’y consacrer des ressources (temps, personnes, information); 4) que le problème requière une réflexion avant de pouvoir passer à l’action et que cette réflexion soit nécessaire en raison non seulement d’une incertitude quant à l’orientation à donner à l’action pour le résoudre, mais aussi quant à la façon même de poser le problème. Nous pensons créer de cette façon un intérêt chez chacun des membres du groupe et les amener à y voir un intérêt personnel.
Nous nous assurons de plus que le participant puisse entrevoir l’applicabilité et la rentabilité de sa démarche d’apprentissage en mettant en évidence les retombées positives de cette dernière sur son développement professionnel et sur l’utilisation qu’il peut en faire par la suite en tant qu’animateur d’équipes d’enseignants et de professionnels non enseignants.
4.2 Favoriser l’acquisition et la consolidation de savoirs
Nous misons désormais sur quatre stratégies complémentaires afin de développer ou d’améliorer, chez certains participants, leur maîtrise des savoirs nécessaires à l’analyse des situations problématiques amenées, et ce dès la phase de démarrage.
D’abord, en amont des phases d’analyse de pratiques, nous avons inclus dans la formation un atelier visant à développer les habiletés de questionnement et d’écoute active chez les participants. À la lumière de nos premières expériences, il nous est apparu que les participants devaient absolument avoir une maîtrise minimale de ces aspects, d’autant plus qu’ils étaient appelés tout au long de l’activité à travailler en sous-groupes de trois ou quatre personnes plutôt qu’en grand groupe. Dans cette perspective, un référentiel sur les types de questions pouvant guider les participants lors du questionnement a été élaboré par l’animateur chevronné. On y traite par exemple des types de questions et de leurs caractéristiques respectives, dont les questions ouvertes, fermées, orientées et multiples, et la notion de « questions puissantes » est introduite[5].
Avant d’amorcer la démarche en tant que telle, nous avons de plus conçu un atelier guidé par le ou la professeur(e) d’expérience qui permet aux participants de vérifier leur maîtrise relative de certains savoirs dans les domaines les plus souvent sollicités lors de l’étude des problèmes soumis à l’analyse des pratiques : l’explicitation des attentes de la direction envers son personnel, la supervision, les rencontres de mise au point, la rétroaction, la reconnaissance, etc.
À la suite de cet atelier, les professeurs transmettent des savoirs associés à ces domaines de connaissance afin de s’assurer que les participants maîtrisent les savoirs requis pour analyser les situations problématiques présentées. Le moment où ces savoirs sont transmis dépend des résultats obtenus lors de l’évaluation de la maîtrise des savoirs. Cette activité pédagogique permet de réviser ces derniers au moyen d’études de cas, par exemple, ainsi que de démontrer comment les savoirs peuvent être utilisés par une direction d’établissement scolaire.
Enfin, nous prévoyons du temps tout au long de la démarche pour communiquer d’autres savoirs au besoin. En pratique, cela se fait principalement entre la phase du questionnement et celle du développement d’une intervention[6].
4.3 Offrir des outils de soutien tout au long du processus d’apprentissage
En vue de soutenir le processus d’apprentissage du participant, nous présentons dès le démarrage deux outils pédagogiques que nous avons conçus et synchronisés avec les différentes étapes de la démarche. Il s’agit d’un Cahier du participant et de fiches bilans. S’ajoutent à ce matériel pédagogique des présentations PowerPoint et une liste de lectures en lien avec l’analyse de pratiques.
Ces outils pédagogiques permettent d’énoncer dès le démarrage les objectifs visés par la démarche d’analyse de pratiques et de clarifier les attentes en termes d’apprentissages visés. Le cahier invite les participants à faire un retour sur l’expérience vécue à la suite de chacune des rencontres. Pour sa part, la fiche bilan indique aux participants qu’ils devront expliciter : 1) les nouveaux acquis réalisés et les questions demeurées sans réponse ; 2) ce que leurs collègues leur ont apporté ; 3) ce qu’ils considèrent avoir apporté à leurs collègues ; 4) ce qu’ils pourraient transférer dans leur pratique professionnelle.
En terminant, comme nous pouvons le constater, ces stratégies sont associées aux différentes interventions des formateurs. Ces derniers sont par exemple appelés à créer un environnement qui facilite l’apprentissage, à transmettre des savoirs associés à l’analyse de pratiques et à l’exercice de la fonction de gestionnaire et à produire des outils pédagogiques favorisant un questionnement et une réflexion critique.
5. Conclusion
L’expérience dont nous venons de témoigner s’est surtout intéressée à relater ce que nous considérons comme les éléments les plus significatifs relativement à l’utilisation de l’approche d’analyse de pratiques professionnelles, et plus particulièrement à sa phase de démarrage. Nous sommes bien entendu consciente de la singularité de l’expérience menée. Nous pensons ici, d’une part, aux contraintes particulières du contexte organisationnel dans lequel cette expérience a été conduite, mais aussi au champ de pratique des participants. En conséquence, c’est avec mesure et prudence que nous invitons les lecteurs à considérer les stratégies que nous venons de présenter. De plus, toute prétention à une quelconque généralisation nous apparaît prématurée. Dans cette perspective, une évaluation de l’impact de ces stratégies nous apparaît donc comme une prochaine étape souhaitable.
Références bibliographiques
Argyris, C. & Schon, D.A. (2002). Apprentissage organisationnel. Théorie, méthode et pratique. Paris : De Boeck.
Cormier, S. (2006). La communication et la gestion. Québec : Presses de l’Université du Québec.
Gagnon, Y.C. (2010). Les problèmes organisationnels : Formulation et résolution. Montréal : Presses de l’Université de Montréal.
Kolb, D. A. (1983). Experiential learning: Experience as the source of learning and development. Englewood Cliffs, N. J. : Prentice Hall.
O’Neil, J. & Marsick, V. J. (2007). Understanding Action Learning: Theory Into Practice. New York : AMACOM.
Payette, A. & Champagne, C. (1997). Le groupe de codéveloppement professionnel. Québec : Presses de l’Université du Québec.
Haut de page
Notes
[1] L’Association Québécoise du Codéveloppement professionnel indique sur son site internet (http://www.aqcp.org): « Le groupe de codéveloppement professionnel est une approche de formation qui mise sur les interactions entre les participants pour favoriser l’atteinte de l’objectif fondamental : améliorer sa pratique professionnelle. Le groupe constitue une communauté d’apprentissage qui partage les mêmes buts et utilise la même méthode : étude attentive d’une situation vécue par un participant et partage de savoirs pratiques surtout et de connaissances théoriques au besoin. Le groupe de codéveloppement professionnel, en mettant l’accent sur le partage d’expériences, sur la réflexion individuelle et collective, sur les interactions structurées entre praticiens expérimentés, vise à élargir les capacités d’action et de réflexion de chaque membre du groupe. ».
[2] Le terme commission scolaire fait référence à l’organisme régional responsable de la gestion des établissements scolaires d’un territoire déterminé.
[3] Ces documents font partie du matériel pédagogique produit. À la suite de chacune des rencontres, les participants doivent remplir une fiche bilan. Quant au cahier du participant, il accompagne les participants tout au long de la démarche.
[4] Le fait que certains étudiants aient obtenu leur diplôme dans une autre institution peut aussi poser un défi, les programmes n’étant pas les mêmes d’une institution à l’autre.
[5] Pour plus d’information sur le sujet, on peut par exemple consulter les écrits de Cormier (2006).
[6] Il est à noter qu’il s’agit ici d’un aspect inspiré d’une approche de codéveloppement.